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RIVAGES DE L\'HOMME
poezie [ ]

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de [Alain_Grandbois ]

2005-12-09  | [Acest text ar trebui citit în francais]    |  Înscris în bibliotecă de Guy Rancourt



Longues trop longues ténèbres voraces
Voûtes exagérément profondes
Ô cercles trop parfaits

Qu'une seule colonne
Nous soit enfin donnée
Qui ne jaillisse pas du miracle
Qui pour une seule fois
Surgisse de la sourde terre
De la mer et du ciel
Et de deux belles mains fortes
D'homme de fièvre trop franche
De son long voyage insolite
A travers l'incantation du temps

Parmi son pitoyable périple
Parmi les mirages de sa vie
Parmi les grottes prochaines de sa mort
Cette frêle colonne d'allégresse
Polie par des mains pures
Sans brûler de ses fautes
Sans retour sur le passé
Qu'elle lui soit enfin donnée

Les cris n'importent pas
Ni le secours du poing
Contre le rouet du deuil
Ni le regard angoissé
Des femmes trop tôt négligées
Nourrissant la revendication
D'un autre bonheur illusoire
Ô corps délivrés sans traces

Mais si pour une seule fois
Sans le fléchissement du geste
Sans les ruses pathétiques
Sans ce poison des routes
Depuis longtemps parcourues
Sans la glace des villes noires
Qui n'en finissent jamais plus
Sous la pluie le vent
Balayant les rivages de l'homme

Dans le ravage le naufrage de sa nuit
Dans ce trop vif battement de son artère
Dans la forêt de son éternité
Si pour une seule fois
S'élevait cette colonne libératrice
Comme un immense geyser de feu
Trouant notre nuit foudroyée

Nous exigerions cependant encore
Avec la plus véhémente maladresse
Avec nos bouches marquées d'anonymat
Le dur œil juste de Dieu.

(In Rivages de l'homme, 1948)

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